"Je regardais longuement Ambroise (dit-elle), songeant que si les hommes ont inventé l'amour, ils finiront bien un jour par inventer la vie ; et voici que j'allais prendre ma place, que j'allais aider ce nègre à la haler des hauts fonds, la vie, pour la faire remonter sur terre."
Cette phrase de Simone Schwarz-Bart extraite de Pluie et Vent sur Télumée Miracle, et citée par Gisèle Pineau et Marie Abraham dans leur livre Femmes des Antilles Traces et voix, Cent cinquante ans après l'abolition de l'esclavage, livre au gré duquel nous avons choisi de naviguer cette fois-ci, réaffirme notre volonté de dire ce qui demeure englouti en deçà et au-delà des mots et de leur violence ordinaire. Si ce numéro des Etoiles est dédié aux femmes de Palestine,c'est que de Palestine, justement, tout comme de cet esclavage de nos corps de femmes, on ne souffle mot éclairé aujourd'hui afin de leur rendre existence ravie. Motus.
Mots barrés d'une traditionnelle encre rouge. Mots silencieux soudain cloués dans le bec. Mots qui disent avec des visages graves d'enfants les arbres coupés et les maisons rasées. Qui disent la jouissance imbécile de ceux qui font de cette violence un spectacle. Qui disent la mauvaise conscience apaisée de ceux qui n'en entendent pas parler depuis cinquante ans que ça dure. Maudits mots-tus qui tuent certainement, impeccablement , et très proprement.
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Avec les témoignages d'Hélène Bouchebouba revenue de Palestine après une mission pour Médecin du Monde au printemps 2001 ; au travers du " Journal de Palestine" écrit sur le vif en 1993 au moment où nous voulions tous croire à la paix ; et au long du livre de correspondance d'une très jeune palestinienne Racha Salah, L'an prochain à Tibériade, paru en 1996, nous
pénétrons dans ce qui "ne peut pas se dire". Nous tentons de donner à voir ce qui demeure de force intacte chez celles et ceux refusant de croire que les mots qui font un vacarme d'enfer, les mots des partisans de la mort à tout prix, seront les vainqueurs, les conquérants éblouissants.
Avec ce quatrième numéro des Etoiles, nous passons du bleu de nos outres marines et célestes aux garances de nos outrances et de nos blessures pour aborder aux innombrables îles du féminin. Et avec la peinture de Rouma, Mère divine, nous ouvrons le cycle de notre délivrance en commençant ensemble la " traversée de la Déesse-Mère ", afin de renaître fleurs et fruits d'autres printemps infinis. En deçà et au-delà des mots.
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